Débutons par une petite expérience. Que voyez-vous ?

Détectez-vous un problème ?
A part le fait que la photo est à l’envers ?
Regardez plus attentivement cette photo.
C’est en réalité une illustration de l’effet Thatcher, mis en évidence dans les années 1980, par le professeur de psychologie Peter Thompson. Il met en évidence une difficulté à percevoir les modifications locales lorsque le visage est à l’envers. La photo à l’endroit :

Sur le visage à l’envers, la bouche et les yeux étaient eux à l’endroit et il est compliqué pour notre cerveau de percevoir ce décalage. Alors que lorsque la photo est à l’endroit, notre cerveau perçoit directement ces modifications, Thatcher étant beaucoup moins à son avantage…
Ainsi, à la vue d’un visage, nous allons enregistrer en mémoire des caractéristiques isolées, telles que les yeux, le nez et la bouche. Nous allons également stocker la configuration spatiale, c’est à dire l’écartement précis entre les différents éléments de notre visage ; ainsi que la forme globale.
Ce qui nous amène à notre sujet du jour : LA PROSOPAGNOSIE.
Il s’agit ici de l’incapacité de certains patients à catégoriser ou identifier un visage à partir de données purement visuelles. Par exemple, une personne prosopagnosique peut avoir des difficultés pour reconnaître sa propre mère sur une photo. Il lui faudra le son de sa voix, sa démarche, ou des indices la distinguant particulièrement telle qu’une coupe de cheveux ratée ou un énorme grain de beauté en plein milieu du visage.
Cette difficulté à reconnaître les visages n’est pas explicable par un problème de vue (le champ visuel est préservé), ni par un problème de mémoire. Les personnes sont capables de décrire les éléments un à un : la forme du nez, la couleur des yeux, etc. Mais ces éléments ne sont pas interprétés ensemble, ne permettant pas la reconnaissance du visage.
Ce qui est passionnant avec ce trouble, mais aussi assez horrible, c’est que dans les formes sévères, la personne prosopagnosique peut ne pas reconnaître son propre reflet dans le miroir.
- La prosopagnosie peut être développementale, c’est à dire que l’on nait avec cette difficulté/impossibilité de reconnaissance des visages. On développera ainsi des stratégies de compensation pour reconnaître les personnes avec d’autres caractéristiques que leurs visages (son de leur voix, démarche, façon de se tenir, expressions, etc.). Ces stratégies de compensation font que les personnes ayant développé ce trouble dans l’enfance ne sont pas diagnostiquées. De ce fait, de nombreux prosopagnosiques ne savent pas qu’ils le sont.

- La prosopagnosie peut également être acquise, à la suite d’une lésion cérébrale (tumeurs, traumatismes crâniens, AVC, démences, …). Les études en imagerie cérébrale montrent que les zones touchées par les personnes prosopagnosiques sont généralement au niveau occipito-temporal de l’hémisphère droit. Sur notre schéma, ça se situerait aux environs des régions rouges et vertes.
Un célèbre prosopagnosique est le grand Brad Pitt. Du coup, pour celles qui l’aiment bien, c’est le moment de mettre un déguisement de Lara Croft, un moment d’égarement, sait-on jamais, il pourrait vous confondre avec Angélina.

Pour en savoir plus, une vidéo très bien faite avec des témoignages pour comprendre un peu mieux ce trouble : https://www.youtube.com/watch?v=p-9uXdpJxHY
- Martinaud, O. (2012). Prosopagnosie et autres agnosies visuelles. Revue de neuropsychologie, volume 4(4), 277-286. doi:10.3917/rne.044.0277.